CUT SCENES

 


3 - OLD BAGDAD

La séquence pose problème, assurément trop brève (une trentaine de secondes !!!) pour être complète. La (fausse) impression générale est d'ailleurs qu'elle est plus longue telle qu'elle apparaît dans la bande-annonce que dans le film (fausse, parce que dûe au surdécoupage de la bande-annonce : six plans sur Bagdad dans la bande-annonce, contre seulement quatre dans le film - cf. ci-dessus ; en fait, la bande-annonce ne contient que trois plans distincts sur Bagdad, dont deux sont morcelés, créant ainsi l'illusion de six plans différents...) !

La seconde bande-annonce du film contient cependant au moins un plan inédit appartenant à cette scène, notablement absent du montage final (Plan #2 et #5 : Int. Jour - gros plan sur Ibn au palais du Calife, agenouillé, qui regarde sur le côté, vers la gauche de l'écran, puis finit par baisser humblement les yeux).

A noter que, dans la bande-annonce, la jeune femme au voile convoitée par Ibn (créditée au générique de fin sous le nom de "Shéhérazade" !) est présentée comme "l'épouse du Calife" alors que, dans le film, elle est en fait mariée à un autre homme qui vient se plaindre auprès du Calife (conformément au roman, dans lequel il s'agissait de la jeune épouse du riche marchand Ibn-Qarin)

Le roman de Crichton décrit plus explicitement la rencontre entre l'épouse insatisfaite du marchand et Ibn venu porter un message au mari absent (mais les plans coupés doivent certainement ne concerner que l'entrevue d'Ibn chez le Calife) :

"Dans la Cité de la Paix vivait un commerçant âgé nommé ibn-Qarin. Il était riche en tout, sauf en générosité et en amour pour son prochain. Il gardait jalousement son or ainsi que sa jeune femme que personne n'avait jamais vue, mais qu'on disait plus belle que tout ce qu'on peut imaginer. Or un certain jour, le calife m'envoya porter un message à ibn-Qarin. Je me présentai à la maison du marchand et demandai à entrer avec ma lettre et mon sceau. J'ignore jusqu'à ce jour la teneur de cette missive, mais peu importe. Le marchand n'était pas chez lui : il était sorti pour affaires. J'expliquai au serviteur qui m'ouvrit que je devais attendre le retour de son maître, le calife m'ayant recommandé de ne lui remettre son message qu'en main propre. Le domestique me fit donc entrer, ce qui prit un certain temps, la porte étant garnie d'innombrables verrous, serrures, barres et targettes, comme dans toutes les demeures d'avares. Enfin, je fus admis. J'attendis tout le jour et commençai à avoir faim et soif, mais les serviteurs de ce ladre ne m'offrirent aucun rafraîchissement. Dans la chaleur de l'après-midi, alors que le silence régnait dans la maison et que les domestiques dormaient, je m'assoupis moi aussi. Soudain, une apparition blanche se dressa devant moi : une femme jeune et belle que je supposais être la femme qu'aucun homme n'avait jamais vue. Elle ne dit pas un mot, mais, par gestes, me conduisit dans une autre pièce dont elle verrouilla la porte. Je la possédai sur-le-champ et, dans ce domaine, elle n'eut pas besoin d'encouragements, son mari étant vieux et certainement négligent. L'après-midi passa très vite de cette façon, puis nous entendîmes rentrer le maître de maison. Aussitôt, l'épouse se leva et partit sans jamais avoir prononcé un seul mot en ma présence. Resté seul, je me rajustai en hâte. Je me serais certainement fait prendre n'eût-ce été les innombrables serrures et verrous qui empêchèrent l'avare d'entrer dans sa propre demeure. Le marchand ibn-Qarin me trouva malgré tout dans la pièce adjacente et m'examina avec suspicion. Il me demanda pour quelle raison j'étais là et non pas dans la cour où il convenait à un messager d'attendre. Je répondis que, me sentant faible et affamé, j'étais venu chercher de la nourriture et de l'ombre. C'était un piètre mensonge et il ne me crut pas. Il se plaignit au calife qui, je le sais, s'en amusa en privé, mais fut obligé de se montrer sévère en public. Aussi quand le roi des Saqalibas demanda une mission au calife, cette même vipère d'ibn-Qarin insista auprès de notre maître pour que ce soit moi qu'on envoyât. Et il eut gain de cause."

[Update: D'après Kevin Van Hook, storyboardeur engagé par Michael Crichton pour travailler sur les reshoots, une scène d'amour entre Ibn et Shéhérazade a bel et bien été envisagée mais n'a jamais été tournée - cf. son interview pour une description plus précise de cette scène. Patrick Kearns, qui a travaillé sur les décors du film, se souvient quant à lui de la construction, lors du tournage principal, d'un jardin et d'une cour intérieure, pour les besoins des scènes se déroulant à Bagdad, vraisemblablement destinés à représenter la demeure du marchand Ibn-Qarin...]

Il est de toute façon clair que la scène a subi diverses modifications (mais moins importantes, sans doute, que beaucoup se l'imaginent). Un signe qui ne trompe pas : le matte-painting ouvrant la séquence a été commandé bien après les premières projections-tests (qui ont eu lieu dès février 1998) ("We initially worked on the film for approximately three months, then they came back to us in September 1998 to ask us to create the matte painting of Baghdad." - source : Jerry Pooler, superviseur des effets spéciaux). (cf. également mon interview de Charles Darby, qui a peint le matte de Bagdad et se souvient en avoir réalisé plus de huit versions à la demande, tantôt de McTiernan, tantôt de Crichton !)

Plus préoccupant : le premier morceau figurant sur le CD de la musique du film (celle de Jerry Goldsmith, éditée chez Varèse Sarabande), intitulé "Old Bagdad", qui dure pas moins de deux minutes, est absent du début du film (comprenez : on l'entend peut-être à d'autres moments, mais certainement pas au début). La musique qu'on entend sur la séquence de Bagdad présente dans le montage final figure pourtant sur le CD, puisqu'elle correspond au début du second morceau, intitulé "Exiled". D'où, naturellement, la question qui brûle les lèvres de tous les fans : où sont passées les images qui devaient accompagner le premier morceau, qui est quand même intitulé, rappelons-le, "Old Bagdad" ???

[Update : le premier morceau du CD de Goldsmith correspond en fait à une version-concert du "13th Warrior Theme", comme nous l'apprend l'édition complète (pirate) du score. Ce même morceau a donc été titré "Old Bagdad" par erreur (bravo Varèse !), erreur corrigée dans la version complète, qui crédite le second morceau d'un double "Old Bagdad/Exiled", ce qui explique a posteriori bien des choses...]

Si l'on écoute attentivement la musique composée à l'origine par Graeme Revell, et qu'on essaie de la faire correspondre aux images du film actuel, on remarquera que le morceau concernant Bagdad (track 1) dure 20 secondes de plus que dans le montage final.

A cela vient s'ajouter le problème, encore plus épineux, posé par les crédits du générique de fin, censés lister les personnages (et les acteurs) "par ordre d'apparition à l'écran" ("in order of appearance"). Or, cet ordre correspond à tout sauf à celui dans lequel les personnages apparaissent effectivement à l'écran dans le montage final. Qu'on en juge plutôt :

1 - Ahmed Ibn Fadlan/ Antonio Banderas
2 - Buliwyf / Vladimir Kulich
3 - Herger (joyous) / Dennis Storhøi
4 - Edgtho (silent) / Daniel Southern
5 - Roneth / Neil Maffin
6 - Ragnar (dour) / John DeSantis
7 - Helfdane (fat) / Clive Russell
8 - Rethel (archer) / Mischa Hausserman
9 - Haltaf (boy) / Oliver Sveinall
10 - Halga (wise) / Asbjørn 'Bear' Riis
11 - Skeld (superstitious) / Richard Bremmer
12 - Weath (musician) / Tony Curran
13 - Hyglak (quarrelsome) / Albie Woodington

14 - Melchisidek / Omar Sharif
15 - Caravan Leader / Eric Avari
16 - King Hrothgar / Sven Wollter
17 - Queen Weilew / Diane Venora
18 - Wigliff (King's Son) / Anders T. Anderson
19 - Olga / Maria Bonnevie
20 - One Eyed Old Man / Richard Ooms
21 - Screaming Boy / Dylan Gray Woodley
22 - Wulfgar (The Boy-Messenger) / Bjorn Ove Pedersen
23 - Herald / Scott Elam
24 - Shaharazad (Arabian Beauty) / Ghoncheh Tazmini
25 - Shaharazad's Husband / Joe Bulatti
26 - The Calife / Mina E. Mina
27 - Sacrificial Woman / Mona Storhøi
28 - Oracle (Old Woman) / Turid Balke
29 - Hulda / Suzanne Bertish
30 - Wendol Mother / Susan Willis
31 - Wendol Mother Companion / Yolande Bavan
32 - Freyda / Claire Lipinski
33 - Arab Page / Tarik Batal
34 - Caravan Lieutenant / Brett Reyez
35, 36, 37, 38 - Serving Girls / Akesh Gill, Natalia Mohammed MacLeod, Natalia Mohammed MacLeod, Kaaren de Zilva
39 - Would Be King / Sven-Ole Thorsen
40 - Sleeping Girl / Alaina Lander
41, 42 - Arab Generals / Al Hachlaf, Jeremy Van der Driesen
43, 44, 45, 46, 47, 48 - Norsemen / Brian Jensen, Michael Brynjolfson, Alex Zahara, Mark Acheson, John Bear Curtis, Andrew A. Kavadas
49 - Norseman On Ship / Gunnar Skjavestad
50 - Wulfgar Retainer / Malcolm Jolly
51 - Wendol Guard / Owen Walstrom

Un rapide coup d'oeil suffit pour se rendre compte que, selon cet ordre, la séquence de Bagdad n'ouvrait pas le film (Shéhérazade, son mari et le Calife apparaissent en 24, 25 et 26ème position) ! Pourtant, on aurait tort de se fier à cet ordre, qui est tout sauf cohérent. Exemple : comment Wulfgar (22ème position), le jeune prince messager du roi Hrothgar, envoyé auprès de Buliwyf pour quémander son aide, pourrait-il apparaître dans le film APRES le roi (16ème position) ? D'après cet ordre, le hérault (23ème position) apparaîtrait lui aussi après le roi (?) et le "lieutenant de la caravane" (34ème position) (qui fait entrer Ibn et Melchisidek dans le campement de Buliwyf) apparaîtrait APRES la mère des Wendols (30ème position) ??? Difficile à imaginer...

Enfin, cette séquence de Bagdad est à comparer à la séquence d'arrivée des 13 guerriers au "palais" du roi Hrothgar, qui y fera clairement écho plus tard dans le film (puisqu'on y verra semblablement un homme convoqué s'agenouiller humblement face à un monarque), tout en nous en donnant une version moins civilisée et plus "primitive" (ne serait-ce qu'à comparer les deux décors de "salles du trône"...).

 
     
 
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