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INTERVIEWS
PREMIERE PARTIE DE L'ENTRETIEN
JULIEN LACOMBE & PASCAL SID
(Réalisateurs du "Peuple Ancien")
- Tourner un film censé se
dérouler à l'époque Romaine, avec des chevaux, des
costumes, des combats à l'épée, des figurants, des
scènes de nuit éclairées à la torche : le
moins que l'on puisse dire, c'est que vous n'avez pas vraiment choisi
la facilité! Pourquoi ça? Vous aviez l'ambition de faire
un "gros truc", d'en mettre plein la vue, de faire vos preuves?
- Julien Lacombe : Quand tu grandis avec comme meilleur compagnon le film
d'action, il est logique que tu n'aies pas forcément envie de faire
un cinema qui ne te branche pas vraiment - je pense à un cinéma
minimaliste, que certains font admirablement, mais qui, personnellement,
ne m'est pas vraiment destiné. Donc, un choix cornélien
se présentait à nous : faire un film minimaliste à
notre grand regret, ou tout faire pour faire un film comme on les aime,
avec du fantastique et compagnie... Bien sûr, la deuxième
solution a prévalu. En même temps, c'était aussi l'occasion
de nous tester sur un terrain difficile...
- Pascal Sid : En effet, le moins que l'on puisse dire, c'est qu'on est
dedans depuis qu'on est tout petit, et l'aspect "film francais intimiste"
nous repousse, donc on a fait un film qu'on aurait aimé voir en
lieu et place des productions actuelles francaises, autrement dit : un
film d'action et de genre. Si, en plus, ça en met plein la vue,
alors tant mieux, mais tous nos films ne sont pas comme ça...
- Réaliser un teaser
et un trailer, ça faisait aussi partie de cette idée
(ou de cette envie) de "grosse prod" (avec une "sortie"
bien évidemment programmée en été, comme tout
blockbuster qui se respecte)?
- J.L. : Disons que, depuis nos débuts dans le monde du cinéma
semi-pro, nous avons souvent fait des bandes annonces pour certaines de
nos productions - je pense en particulier à SUPAFLY, notre premier
film ressemblant à quelque chose. En plus, c'était un bon
moyen de faire saliver les gens parce que, au final, des peplums en court
métrage, et bien, à part LE PEUPLE ANCIEN, je n'en connais
pas! Donc, c'était un bon appel du pied aux amateurs de trucs étranges...
- P.S. : Le problème avec ces teasers, c'est que personne
ne les a vus! Ils ont été faits pour faire joli, sur un
futur DVD, mais ils n'ont aucune valeur commerciale, car ils n'ont pas
été distribués. Mais c'est marrant de les faire...
Un travail que nous faisons, à mon avis, bien.
- J'ai rêvé, ou bien
vous avez déjà commencé à "détourner"
votre logo? (une fois de plus, comme les grosses prods ricaines...) Il
me semble en effet que le logo de base de 4-16 prod est bleu, et que vous
avez retravaillé sa couleur dans les deux trailers du PEUPLE ANCIEN,
non? Ou bien peut-être était-ce un premier clin d'oeil au
GLADIATOR de Ridley Scott (au début duquel les logos Universal
et Dreamworks avaient été semblablement retouchés...)?
- J.L. : Oui, c'était un clin d'oeil à GLADIATOR et, non,
tu n'as pas rêvé... Bien sûr, comme beaucoup, j'ai
été fortement impressionné par GLADIATOR, donc le
principe de détourner le logo était un delire, puisque c'était
un truc qui m'avait beaucoup marqué dans le peplum de Ridley Scott...
En fait, quand on y pense, les logos qu'on retient le plus sont souvent
les logos détournés - je pense au logo Universal dans WATERWORLD,
au logo 20th Century Fox dans ALIEN 3 dont la musique se fond avec celle
du générique de Goldenthal...
- P.S. : J'aime bien aussi l'effet video sur le logo de la Warner dans
MATRIX...
- J.L. : Bref, c'était quelque chose que nous avions toujours rêvé
de faire, même si cela relève de l'anecdote.
- P.S. : Dand LE PEUPLE ANCIEN, en plus de la désaturation du bleu,
il y a également un effet "vieux films", comme pour rappeler
le parchemin, et le temps ancien décrit dans le film. Personnellement,
je suis un peu déçu qu'on ne l'ait pas incorporé
dans la version finale du film... On le fera pour le DVD!
- Le générique du PEUPLE
ANCIEN annonce "un film de Julien Lacombe et Pascal Sid".
Qui fait quoi, exactement? Je présume que vous avez chacun vos
points forts et vos points faibles...
- P.S. : Au départ, le film était écrit par Julien,
il était donc normal qu'il le réalise puisqu'après
avoir écrit un film, on a forcément des images en tête.
Mais, au fur et à mesure de la production, puis de la conception,
on a fini par tout faire ensemble, comme on le fait d'habitude.
- J.L. : En fait, nous réalisons à deux depuis nos débuts
dans le court métrage. Ca s'est fait comme ça, parce que
nous avions tous les deux envie d'être derriere la caméra...
Maintenant, vu que nous nous connaissons depuis la maternelle, je dirai
que ce n'est pas aussi difficile que certains le croient. De plus, nous
avons les mêmes références et les mêmes idées,
donc, ça pose encore moins de problèmes, et nous avons assez
de recul pour savoir quand l'un ou l'autre a raison ou tort. Pour nos
points forts et nos points faibles, je ne sais pas... Disons que Pascal
peut être plus intuitif sur certains plans et peut trouver tout
de suite le bon angle alors que moi, je suis plus réfléchi
et j'essaye souvent de replacer le tout dans un ensemble. Sur LE PEUPLE
ANCIEN, Pascal cadrait et proposait beaucoup d'idée de plans alors
que moi, je m'occupais seul de la direction d'acteurs (pas forcément
avec succès, selon certains, mais je n'avais pas choisi la facilité,
avec des textes assez difficiles...). Maintenant, cette situation était
assez spécifique au PEUPLE ANCIEN...
- P.S. : C'est vrai que le travail d'acteur est tellement prenant, surtout
pour une première fois, que le fait d'avoir quelqu'un sur qui compter
a pu permettre de ne pas subir la pression, et surtout d'abattre deux
fois plus de boulot. Je pense que nous avons les mêmes qualités.
Nos défauts, pour l'instant, se situent au niveau du travail d'acteurs,
il me semble, mais nous faisons des efforts et je pense que le prochain
film sera plus abouti à ce niveau.
- J.L. : Disons que notre travail consiste en beaucoup de concertations...
D'aucuns disent que nous sommes complémentaires!
- En parlant de générique,
je n'ai pas réussi à identifier avec certitude les deux
morceaux qui ouvrent le film...
- J.L. : L'ouverture logo, c'est une piste de CRYING FREEMAN et le "thème
du papyrus" provient de L'ASSOCIE DU DIABLE...
- Je ne sais pas si c'était
voulu, mais j'ai trouvé le début du PEUPLE ANCIEN assez
"spielbergien". Je ne dis pas ça parce que vous avez
souvent cité Spielberg parmi vos réalisateurs de référence,
mais plutôt à cause des fouilles (chaque fois que je vois
une scène de fouilles au cinéma, désormais, je pense
à JURASSIC PARK) et aussi à cause du travelling avant sur
Magali penchée sur le papyrus (accompagné d'un crescendo
de la musique). Bon, peut-être aussi parce que, qui dit fouilles
et archéologie au cinéma, dit Indiana Jones, donc Spielberg...
- P.S. : Ce n'est pas la première fois qu'on nous le dit! Mais
je préfère me dire que c'est du 4-16 prod, pas du Spielberg...
- J.L. : En fait, tout ce qui est "fouilles" fait beaucoup penser
à Spielberg mais, personnellement, je pensais plutôt à
L'EXORCISTE de Friedkin (la première séquence en Iran, je
crois...). Maintenant, c'est vrai que c'était un peu notre idée
de faire une séquence d'ouverture "à la Spielberg";
c'est assez prétentieux de dire ça, j'imagine, mais je n'ai
pas dit que nous avions réussi! Disons que c'était quelque
chose qui nous trottait dans un coin de la tête, forcément...
- A propos de ce travelling avant,
justement, une petite question de découpage : j'ai été
un peu gêné par le plan qui suit (plan sur le papyrus filmé
par-dessus l'épaule de Magali) : pourquoi n'avoir pas mis à
la place un plan subjectif de Magali sur le papyrus? Je trouve que le
plan-épaule coupe un peu l'émotion du travelling, c'est
dommage (bon, alors, en plus, si on remarque qu'il n'est pas raccord,
vu que Magali ne porte plus ses lunettes...). Ou alors c'était
à cause du plan qui suit (même type de plan, sur Cnaeus qui
rédige le manuscrit), pour préparer le fondu enchaîné?
- J.L. : Tu as tout à fait raison, ce plan est assez foireux par
rapport au reste. L'idée, comme tu le dis, était de raccorder
avec le papyrus rédigé par Cnaeus. En fait, ce qui coupe
l'émotion, ce n'est pas le plan en lui-même, c'est sa fixité.
A l'origine, le plan devait être un plan à la verticale,
descendant sur le papyrus lu par Magali, donc pas fixe, mais quand la
lumière tombe, que ton plan de travail se délite et qu'il
te faut tes plans, alors, dans ces cas-là, tu dois faire des concessions
et tourner, même si le résultat n'est pas tel que c'était
dans ton esprit... Sinon, bravo pour le raccord-lunettes, tu es la première
personne à l'avoir remarqué! Nous étions assez honteux,
d'ailleurs, en voyant cette faute de raccord évidente, et le scripte
fut "corrigé" pour ses erreurs! (rires)
- La main qui rédige le papyrus,
dans le film, c'était celle de Romain, ou celle du type qui a vraiment
fait le papyrus en pré-prod (J.-C. Debeurme)?
- J.L. : C'était bien celle de Romain... mais il recopiait simplement
le haut du texte rédigé par le concepteur!
- J'aime bien l'accélération
soudaine donnée au rythme du film, qui était plutôt
lent, grâce à l'échange rapide entre l'archéologue
et le professeur... L'idée de les filmer parlant en train de marcher
était déjà dans le script, je crois? Ca vous vient
d'un film (ou d'un réalisateur) en particulier?
- J.L. : C'est du Spielberg tout craché, ça, les personnes
qui avancent en expliquant la situation! C'est dynamique et ça
évite le tête-à-tête à l'arrêt.
L'idée était déjà dans le script, oui. Personnellement,
j'adore filmer les gens en train de parler en marchant... D'ailleurs,
ça se retrouve souvent dans nos premiers courts (invisibles sur
notre site, parce que vraiment trop amateurs).
- P.S. : Je pense que ça nous vient aussi du Scorsese de l'époque
GOODFELLAS et CASINO, ainsi que de Tarantino. D'ailleurs, ces plans du
PEUPLE ANCIEN devaient à l'origine être en steadycam mais,
manque de moyen oblige, ils ont fini à l'épaule. Mais ça
passe car c'est relativement stable.
- C'est en voyant les plans de discussion
entre Vallerius, Germanicus, Nero et Cnaeus que j'ai pris conscience du
format de l'image. Le scope, c'était un choix dicté par
le genre? (Le film a été tourné en super 16, je crois...)
- P.S. : Le scope est à mon avis le meilleur format qui soit, mais
c'est sans doute dû au fait que les films qui forment notre culture
cinématographique l'utilisent énormément. Cela étant
dit, c'est vrai qu'au départ le film était en 1.85 mais,
comme c'était possible, j'ai insisté pour le recadrer en
2.35.
- J.L. : Moi, à l'origine, j'étais plutôt partisan
d'un format 1.85, d'ailleurs le film a été shooté
dans cette idée. Mais, au montage, le format nous est apparu vraiment
"téléfilmesque". Malgré tout, j'étais
partisan de rester en 1.85, mais Pascal a grandement insisté pour
recadrer tout le film (beaucoup de boulot au plan par plan) et c'est vrai
que, dès qu'il m'a montré les plans recadrés, je
n'avais pas d'autre choix que de lui dire qu'il avait raison! En fait,
ma réticence était surtout motivée par le manque
de détail de notre télécinéma, pas forcément
grandiose (merci Centrimages!)
- Dans ces plans-là, le placement
des personnages dans le cadre rappelle beaucoup PREDATOR. C'est un truc
que vous avez étudié chez McTiernan ou c'est un heureux
hasard?
- J.L. : Disons que le placement des personnages s'est effectué
en fonction du décor. Mais la disposition en triangle, avec Cnaeus
en retrait, était évidente, ne serait-ce qu'à cause
des dialogues où Cnaeus n'intervenait pas ou presque... La disposition
était réfléchie, donc, mais de là à
dire que nous avions des modèles, non... Parce que, de toute façon,
quand on veut filmer un dialogue, il n'y a pas forcément 200 manières
de cadrer ses personnages...
- En parlant de ça, je sais
que vous avez réalisé des pastiches de certaines scènes
de films de Cameron et McTiernan. Est-ce que c'est un bon exercice?
- J.L. : C'est un TRES bon exercice! Même si nos pastiches sont
délibérement "cheap", rentrer pour quelques
instants dans la peau du monteur est très intéressant. Ainsi,
on s'aperçoit que McTiernan a fait des fautes de raccords monstrueuses
dans la scène de l'hélicoptère de PREDATOR (voir,
par exemple, le placement de Poncho) qui passent pourtant comme une lettre
à la Poste! Disons que c'est vraiment l'occasion d'espionner les
fautes de raccords, les changements de focale, etc.
- P.S. : Au niveau du montage, c'est vrai, ces pastiches nous ont beaucoup
appris : à quoi sert un insert et comment bien l'utiliser (TERMINATOR)?
Pour PREDATOR, la leçon était : comment utiliser un espace
exigu pour une conversation à 6 personnages?
- Vous avez dû visionner les
scènes en question des dizaines et des dizaines de fois et les
disséquer plan par plan. Vous arrivez encore à prendre du
plaisir en les revoyant? Souvent, j'ai remarqué qu'à trop
analyser certaines scènes de certains films, on les vide un peu
de leur saveur... Sauf peut-être en cas de chefs-d'oeuvres, qui
résistent normalement à de multiples visionnages et décortiquages...
Mais, même dans ces cas-là, on pourrait citer De Palma, par
exemple, qui a tellement étudié certains films d'Hitchock
qu'il avoue avoir du mal à les revoir sans ennui...
- J.L. : Personnellement, je n'ai pas trop de problèmes au revisionnage,
parce que ce sont des films que j'adore et je ne me lasse pas de les revoir;
PREDATOR, j'ai dû le voir des dizaines de fois et c'est toujours
un bonheur d'admirer l'élégance de la mise en scène
de McTiernan, avant le début de sa période "caméra
à l'épaule" (que j'apprécie beaucoup aussi,
mais qui est moins élégante et plus bestiale). D'ailleurs,
je veux croire qu'au moment de PREDATOR, McTiernan était le meilleur
manieur de caméra du cinéma US avec Spielberg...
- P.S. : Pas de problème pour moi non plus, du moment que ce n'est
pas un reflet de caméra, un micro qui dépasse ou une ombre
géante. Sinon, c'est vrai que, là, le film perd un peu en
intensité. Je peux te dire une chose : après avoir décortiqué
la derniere scène du PSYCHOSE d'Hitchcock, il y a un truc que je
ne peux plus m'empêcher de voir (un cache de lampe quand elle retourne
le cadavre sur la chaise) et ça, c'est triste. Ca, oui, c'est nul!
- Le passage de la langue romaine
à la langue française est pour le moins abrupt dans votre
film : il se fait dans un cut, entre deux plans. Ca a toujours
été comme ça, ou est-ce que, à un moment donné,
vous aviez envisagé d'autres techniques plus élaborées,
comme celle, par exemple, employée par McTiernan dans A LA POURSUITE
D'OCTOBRE ROUGE?
- J.L. : Le passage est tout simplement mauvais! A l'origine, nous devions
zoomer ou faire un travelling, à l'image d'A LA POURSUITE D'OCTOBRE
ROUGE justement (c'était d'ailleurs dans le storyboard original)
mais, devant le manque de temps et les difficultés d'un des acteurs
avec la langue latine, il fut finalement décidé de filmer
et d'improviser au montage... Le tour de passe-passe est pénible
et c'est un des mauvais points du film...
- P.S. : Là encore, une version finale devrait voir le jour (avec,
tout simplement, un fondu sonore dans les dialogues, les paroles en latin
se mêlant à celles en francais, jusqu'à ce que tout
soit entièrement en francais) ainsi qu'un nouveau mixage, les bruits
d'épées ne me satisfaisant que peu, et le punch de la scène
étant un peu en-deça de ce que nous voulions.
- Lequel des deux acteurs au juste
a eu des problèmes avec ses dialogues en latin, Olivier ou Didier?
- J.L. : Didier est arrivé sur le projet une semaine et demie avant
le tournage, suite au désistement d'un des "acteurs-cascadeurs"
(dont je tairai le nom). Il a eu d'énormes difficultés de
concentration. Il n'était pas à l'aise avec le texte et
en a beaucoup souffert. Il était nerveux et ma relative inexperience
de la direction d'acteurs ne m'a pas permis de le mettre à l'aise
(je pense d'ailleurs que peu y serait arrivé). Le montage fut pénible
à cause de cela et il y a beaucoup de plans où le son posé
n'est pas celui de la prise... Maintenant, on nous dit que sa prestation
est très bonne : c'est la preuve qu'un montage efficace peut tout
sauver (car nous étions véritablement inquiets pendant le
tournage)!
LIRE LA SECONDE PARTIE DE L'ENTRETIEN...
ENGLISH VERSION :
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