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RENCONTRE DU 13EME TYPE

STARFIX / Piéric Guillomeau / juillet-août 1999

Quatre années après l'ultime volet des tribulations de John McClane, John McTiernan nous livre enfin son 13EME GUERRIER, véritable ovni cinématographique.

A 23 ans, John McTiernan réalise son premier film, THE DEMON'S DAUGHTER (malheureusement inédit), pour à peine 10 000 dollars, avec déjà pour toile de fond l'univers des Vikings. Vingt ans plus tard, la sortie du 13EME GUERRIER laissait augurer un film des plus personnels, et donc passionnant. Quelle pierre ce 13EME GUERRIER allait-il bien pouvoir apporter au monument que constitue la filmographie de McTiernan ? A la lecture du roman écrit en 1976 par Michael Crichton, co-producteur du film avec McTiernan, anciennement réalisateur de talent et aujourd'hui véritable agent de courtage de ses propres oeuvres, on était en droit de s'attendre à un sommet du film d'aventures, de la Fantasy. Mais, depuis l'été 1997, début du tournage en Colombie Britannique, les rumeurs allaient bon train : incompatibilités artistiques, projections-tests désastreuses, éviction de McTiernan du montage repris en charge par Crichton, amputation de près d'une demi-heure du métrage selon certaines sources, sept minutes selon d'autres. Le manque d'informations officielles et vérifiables incitent évidemment à la prudence, la vérité sur DIE HARD III n'ayant aujourdhui toujours pas éclatée. Mais une première bande-annonce alléchante (un chef-d'oeuvre dans le genre) annonçait une sortie pour le printemps 1998 (?), sans que rien ne se passe. Les problèmes se révélèrent au grand jour lorsque Touchstone, Disney donc, décide de retitrer LES MANGEURS DE MORTS, titre original du film et du roman, par LE 13EME GUERRIER. Politiquement correct oblige.

Que reste-t-il alors du film que John McTiernan a souhaité faire ? Comparé au roman, la structure du récit du 13EME GUERRIER est dans ses grandes lignes respectée. Ahmed Ibn Fahdlan (Antonio Banderas), diplomate arabe envoyé par punition dans les Terres du Nord, tombe bientôt sur un campement viking. Là, un jeune messager, fils de Rothgar, vient demander de l'aide pour défendre son village assailli par une horde de sauvages, mi-hommes, mi-bêtes, appelés les Mangeurs de Morts. Mais selon un oracle, les Vikings doivent être accompagnés d'un 13ème combattant étranger. Contraint et forcé, Ibn Fahdlan, musulman, curieux, va, lors du voyage, côtoyer les us et coutumes de ces barbares nordiques et apprendre à combattre avec eux...

Pendant le film, il apparaît clair à de nombreuses reprises que des séquences ont été décapitées. Que ce soit lors des voyages (celui d'Ibn vers le Nord, celui des 13 compagnons vers le village), des déplacements d'un lieu à un autre, ou pire, lors des séquences de bataille. Le clou est atteint lors de la seconde attaque se clôturant par deux fondus enchaînés du plus mauvais effet. Reste donc ce goût persistant et amer de charcutage. Charcutage aléatoire qui, sous prétexte de donner du rythme, ne laisse jamais au film le temps de trouver le sien. Cela n'empêche évidemment pas le talent de McTiernan de transparaître à chaque instant. Certains plans resteront inscrits dans les rétines longtemps après leur vision, tant par leur beauté que par leur fulgurance. Le travail sur la photo, signée Peter Menzies (DIE HARD III), est en tout point remarquable. Des trois grandes scènes de combat, aucune n'est filmée de la même manière, révélant implicitement des significations différentes. Et la frustation se trouve là. Aucune de ces significations, aucun des thèmes soulevés dans le film n'est frontalement abordé. Logique, puisqu'aucune des scènes ne prend le temps d'être correctement traitée. Au-delà de cette frustation thématique se trouve celle du spectateur qui, pendant une heure quarante, va assister à une véritable leçon de réalisation tout en s'apercevant qu'on ne lui présente là qu'une toute petite part du gâteau. Même Jerry Goldsmith, rarement aussi inspiré et intelligent, se démène comme un diable pour donner un sens à tout ça, volant parfois la cohérence thématique à une réalisation amputée. C'est donc bel et bien un chef-d'oeuvre de frustration auquel nous invite LE 13EME GUERRIER. Mais à un chef-d'oeuvre quand même. Le film est une victime belle et brute, ainsi qu'un exemple de ce qu'Hollywood sait accoucher de pire aujourd'hui. Pas dans le sens ARMAGGEDON du terme, mais dans le sens PORTE DU PARADIS. A la différence près que Touchstone, contrairement à United Artists, ne fermera pas ses portes.


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