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UNE CHEVAUCHEE FANTASTIQUE CHEZ LES VIKINGS McTiernan
ressuscite la manière du Hollywood de la grande époque
LE MONDE / Samuel Blumenfield
/ 19 août 1999
Révélé au grand public
en 1987 avec PREDATOR, le meilleur film joué par Arnold Schwarzenegger
à ce jour, avec TERMINATOR, puis avec PIEGE DE CRISTAL dont le
schéma (un immeuble pris d'assaut par une bande de terroristes
et une structure narrative jouant le temps réel) sera repris, souvent
pour le pire, par le cinéma d'action des années 90, John
McTiernan s'impose comme l'un des derniers représentants d'une
espèce en voie de disparition : l'artisan hollywoodien capable
de passer d'un genre cinématographique à un autre sans le
moindre état d'âme, obéissant en apparence à
ses commanditaires.
Ses films, y compris LE 13EME GUERRIER, sont
des remakes masqués de LA CHEVAUCHEE FANTASTIQUE, de John Ford.
PIEGE DE CRISTAL mettait en scène, à la place d'une diligence,
un building pris d'assaut. Dans A LA POURSUITE D'OCTOBRE ROUGE, il s'agissait
d'un sous-marin. LE 13EME GUERRIER prend pour cadre un fort bâti
à la hâte par des Vikings pour faire face à une horde
d'ennemis.
Vers le Xe siècle, Ahmed Ibn Fahdlan
(Antonio Banderas), important dignitaire de Bagdad, est contraint à
l'exil par le calife. Il échoue dans une contrée de Scandinavie
où il doit tenir le poste d'ambassadeur. A peine arrivé,
un jeune garçon annonce au chef des guerriers, Buliwyf, que Hrothgar,
seigneur d'un autre village, est menacé par une horde de combattants,
les Wendols, qui tiendraient plus du démon que de l'humain. Une
de leurs particularités tient à leur goût affirmé
pour la chair humaine. Une prêtresse annonce à Buliwyf que
treize guerriers doivent se rendre au secours de Rothgar, et qu'un étranger
sera parmi eux. Ahmed Ibn Fahdlan est contraint, par la force des choses,
à participer à cette expédition. A sa vision initiale
de diplomate, arabe, musulman, monothéiste, lettré, prônant
la diplomatie contre la violence, regardant le mal comme une force extérieure,
forcément inhumaine, succède chez lui, au fil des combats,
une conception beaucoup plus sombre de la nature humaine. "C'est
un homme !", s'écrie-t-il effrayé, devant le corps
mort d'un Wendol. Cette idée que le mal serait identifiable et
rationnel ne relève pas de la mystique ou de la superstition mais
se confond avec l'humain. C'est le véritable sujet du 13EME GUERRIER.
"Les guerres se gagnent d'abord avec
la volonté", déclare une vieille femme aux guerriers
venus combattre les assaillants. Le long serpent humain des centaines
de Wendols descendant une colline flambeau à la main rappelle irrésistiblement
quelques-unes des images les plus frappantes du TRIOMPHE DE LA VOLONTE,
de Leni Riefensthal, où se trouvaient exaltés le cérémonial
nazi et les mythes hitlériens.
QUELQUE CHOSE DE TERRIFIANT
Il y a dans cette séquence, mise en scène pour frapper le
regard du spectateur, quelque chose de terrifiant, comme si ce spectacle
millimétré de troupes parfaitement coordonnées, d'une
barbarie régie par des règles strictes, devait, contrairement
au film de Riefensthal, davantage susciter la peur que la fascination.
Une telle vision est appuyée par des
choix de mise en scène atypiques dans le cadre du cinéma
d'action hollywoodien aujourd'hui : une lumière très sombre
soutenue par la lueur des flambeaux qu'agitent les Wendols ; un personnage
principal arabe porteur des valeurs de la civilisation - très différent
des rôles de terroristes dévolus aux Arabes dans le cinéma
hollywoodien ; des Vikings plus proches de la réalité historique
par rapport à une bataille finale qui dure à peine une minute
; un récit très rapide dans son exposition, puis très
lent dans son déroulement, privilégiant les personnages
sur l'action.
LE 13EME GUERRIER n'est pas encore sorti
aux Etats-Unis, mais la façon qu'il a de prendre le public américain
à contre-pied, son propos inquiétant sur la nécessité
pour l'homme d'utiliser les armes de la barbarie pour lutter contre la
barbarie, semble le condamner là-bas à un simple succès
d'estime. Pourtant, sa beauté visuelle, la manière dont
McTiernan insère ses personnages dans des extérieurs impressionnants
sans jamais se laisser griser par l'esthétisme de ses paysages,
font de ce film une oeuvre magnifique, représentante d'un art classique
hollywoodien qui restait jusque dans les années 60 comme la règle,
et se révèle aujourd'hui une brillante exception.
ENGLISH VERSION:
LE MONDE / Samuel Blumenfield
/ August 19, 1999
STAGECOACH AMONG THE VIKINGS
Revealed on general public in 1987 with PREDATOR,
the best film played by Arnold Schwarzenegger to date, with TERMINATOR,
then with DIE HARD whose outline (a building taking by storm by a band
of terrorists and a narrative structure playing the real time) will be
pick up again and again, often for the worse, by the American action cinema
of the Nineties, John McTiernan is universally acknowledged as one of
the last representatives of an endangered species : the Hollywood craftsman
able to pass from one cinematographic genre to another without having
any qualms, who seems to obey his silent partners.
His movies, including THE 13TH WARRIOR, are
masked remakes of John Ford's STAGECOACH. DIE HARD directs, instead of
a diligence, a building taken by storm. In THE HUNT FOR RED OCTOBER, it
was a submarine. THE 13TH WARRIOR takes place in a fort hastily built
by Vikings to face a horde of enemies.
In the 10th century, Ahmad Ibn Fahdlan (Antonio
Banderas), an important dignitary of Baghdad, is forced into exile by
the caliph. He lands up in a Scandinavian region where he must take the
ambassadorial post. No sooner does he arrive, then a young boy announces
to the chief of the warriors, Buliwyf, that Rothgar, lord of another village,
is threatened by a horde of combatants, the Wendols, who seem to be more
demons than humans. One of their characteristics is due to their affirmed
taste for the human flesh. A priestess announces to Buliwyf that thirteen
warriors must go to the help of Rothgar, and that a foreigner will be
among them. Ahmed Ibn Fahdlan is forced, to take part in this expedition.
With his initial vision of diplomat, Arab, Muslim, monotheist, a well-read
man, advocating diplomacy rather than violence, looking at the evil as
an external force, inevitably inhuman, succeeds, over the fights, a design
much darker of human nature. "It's a man!", he exclaims
frightened, before a dead-man of Wendol. This idea that the evil would
be identifiable and rational doesn't concern the mystic or of the superstition
but merges with the human one. It's the true subject of THE 13TH WARRIOR.
"Wars are won in the will",
declares an old woman to the warriors come to fight the attackers. The
long human snake of hundreds of Wendols descending a hill, torch in the
hand, irresistibly reminds some of the most striking images of Leni Riefensthal's
TRIUMPH OF THE WILL, where were elevated the ceremonial Nazi and the Hitlerian
myths.
SOMETHING TERRIFYING
There is in this sequence, directed to strike the look of the audience,
something terrifying, as if this graduated spectacle of perfectly coordinated
troops, of a cruelty governed by strict rules, had, contrary to the Riefensthal's
movie, more spark off the fear than fascination.
Such a vision is supported by atypical choices
of directing within the setting of the Hollywood action cinema today:
a very dark light supported by the light of the torches that the Wendols
raise; a principal Arab character carrying the values of civilization
- very different from the roles of terrorists reserved to the Arabs in
the Hollywood cinema; Vikings closer to historical reality compared to
a final battle which lasts hardly a minute; a very fast narrative in its
exposure, then very slow in its unfolding, privileging the characters
to the action.
THE 13TH WARRIOR isn't yet released in the
United States, but the way which it has to wrong-foot the American public,
its worrying matter on the need for the man for using the weapons of cruelty
to fight against cruelty, seems to condemn it over there to a simple critical
though not popular acclaim. However, its visual beauty, the way in which
McTiernan inserts his characters in impressive outsides without never
letting himself get drunk on the estheticism of his landscapes, make of
this film a splendid work, representing of an Hollywood traditional art
which remained until in the Sixties as the rule, and appears today a brilliant
exception.
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