Les adversaires n'étaient pas non plus toujours des hommes... Un jour, Uldin dit à Conan :
  - Tu vas te battre contre un Hyperboréen ce soir.
  - Quelle sorte de gens sont-ils? demanda Conan qui avait vaguement entendu que l'Hyperborée était une contrée située à l'est d'Asgard. J'en ai vu un une fois, alors que nous étions tous deux esclaves de la Roue, mais nous n'avions aucun langage commun.
  - Un peuple grand, maigre, aux cheveux clairs, pour une grande part d'entre eux, répondit l'entraîneur. Des ennemis dangereux qui ont la réputation d'être des sorciers et des magiciens.
  A cette occasion, Conan et son antagoniste furent envoyés dans l'Arène avec un morceau d'étoffe autour des reins et des sandales, une courte épée à la main et un bouclier à leur bras gauche.
  Conan eut la surprise de découvrir qu'il se trouvait face à face avec une femme. Son corps était élancé, avec de longues jambes et presque aussi grand que celui de Conan qui, maintenant en pleine maturité, dépassait d'une tête même le plus grand des Vanirs et des Aesirs. Ses cheveux, de la couleur des rayons de lune, étaient entrelacés en une épaisse tresse et ses seins menus étaient dénudés. Son corps souple exhalait une aura de sensualité mais ses yeux verts étaient mortellement froids. A la façon qu'elle avait de tenir son arme, Conan sentit qu'elle possédait à fond l'art du combat.
  Le sifflet retentit et le combat commença. Les adversaires avancèrent avec précaution, décrivirent un cercle puis passèrent à l'attaque. Le fer sonnait contre le fer et rendait un son mat, au contact du bois et du cuir des boucliers, et ces chocs submergeaient les cris des spectateurs. En dépit de la force qui animait les bras de la guerrière, la musculature du barbare, façonnée à la Roue et affermie dans l'Arène, fut decisive. Quelles que fussent l'habileté, la vitesse et la ruse de la femme, Conan, inlassablement, détournait son arme à chaque fois.
  Un coup violent fit sauter l'épée de la main de la guerrière. Des bancs au-dessus s'éleva un hurlement dément : "Drep! A mort!" Pendant un court moment, la garde de la femme s'ouvrit et elle resta immobile, comme si elle était réconciliée avec la mort.
  Conan hésita. Parmi les devoirs impératifs des Cimmériens, enfouis au plus profond de Conan, il en existait un qui disait que la tâche primordiale d'un homme était de protéger les femmes et les enfants de la tribu. Bien que les Cimmériens fussent capables de tendre des embuscades et de massacrer les membres d'un autre clan avec lequel ils étaient en guerre, le tout avec entrain, assassiner de sang-froid une femme qui n'avait causé aucun mal était un acte de brutalité sans précédent.
  Le doute de Conan ne dura pas plus longtemps que deux battements de coeur. L'Hyperboréenne bondit en arrière, récupéra son glaive à terre et fonça sur Conan avec une rage renouvelée. Quand un de ses coups lui entailla le front, du sang lui coula dans les yeux et il dut se résoudre à se défendre...
  Finalement, la fatigue ralentit les attaques de la guerrière. Frappant alternativemenL de l'épée et du bouclier, Conan l'accula, le dos à la paroi de l'Arène. Un revers puissant fendit son écu et laboura son flanc. Un flot de sang souilla sa peau d'albâtre, la jeune femme poussa un cri et s'écroula sur le sol poussiéreux, appuyant sa main contre la plaie béante, comme pour retenir ses entrailles...
  Conan fit un pas en arrière et regarda autour de lui. Toghrul accapara son regard, la désigna du doigt et mima le geste de trancher d'une main insensible. Comme Conan hésitait encore, l'organisateur répéta ce geste sans équivoque, avec plus de vigueur cette fois.
  Le jeune barbare se pencha au-dessus de la femme effondrée qui paraissait avoir perdu connaissance. Il leva haut son glaive et asséna un coup tranchant. Toujours courbé, il enfonça la pointe de son épée dans le sol, saisit la tresse blonde et leva la tête coupée pour le plaisir des chefs aesirs. La foule rugit sa satisfaction.
  A cet instant, me raconta le souverain, je me haïssais. Je n'ai jamais narré cette histoire à quiconque, car cet acte est l'un des rares qui me font honte. Cette femme était sur le point de mourir, il est vrai, et le sort que je lui ai accordé était peut-être plus clément que de la laisser périr lentement, mais l'acte était abject et lâche pour un Cimmérien... Alors je songeai à Toghrul qui m'avait fait me détester moi-même. Toute ma haine se concentra sur lui et je jurai qu'un jour il serait payé en retour pour cette infamie.

 
 

ConanCompletist 2005