- Par Erlik! Que t'ont-ils fait? s'exclama Subotai, bondissant de son cheval et attachant les rênes à une basse branche de l'arbre maudit.
  Conan grogna une réponse mais sa gorge était si sèche que nul son articulé n'en émana.
  Les mains tremblantes, Subotai fouilla ses fontes et y trouva un outil, une sorte de petite pince comme celle dont on se sert pour ôter les pierres des sabots des chevaux. La glissant dans sa ceinture, il escalada le tronc de l'arbre jusqu'à la hauteur où le Cimmérien était attaché. Avec une hâte frénétique, il lutta pour extraire des paumes de Conan les clous, des pointes qui avaient fait doubler de volume les mains du barbare. Tandis que celui-ci se mordait les lèvres pour ne pas hurler de douleur, Subotai tirait et s'acharnait jusqu'à ce qu'enfin les clous cèdent.
  Alors, lâchant la pince, l'Hyrkanien trancha de son poignard les liens qui entravaient les jambes de Conan et quand ces cordes furent écartées, il s'attaqua aux liens qui enserraient ses bras.
  - Agrippe-toi à une branche avec un de tes coudes si tu le peux, conseilla Subotai. Je ne voudrais pas te voir tomber par terre...
  Finalement, la dernière corde fut tranchée; et Conan, soutenu par le petit voleur, glissa mollement à terre. Adossé au tronc de l'arbre, l'homme blessé endura silencieusement ses tourments pendant que Subotai lui frottait bras et jambes pour réactiver la circulation du sang.
  Produisant une flasque de cuir remplie d'eau, il dit :
  - Rince d'abord ta bouche et crache. Prends quelques petites gorgées. Si tu bois autant que tu en as envie, ça te rendra malade ou pire. J'ai vu des hommes mourir de cette façon.
  - Je sais, gronda le Cimmérien. As-tu de quoi manger?
  - D'abord laisse-moi construire un feu pour que Valéria puisse nous repérer. Nous te cherchions. Un mage nous a dit que nous te trouverions au sud de la Montagne de Puissance mais il ne possédait pas d'autres détails.
  L'Hyrkanien rassembla des brindilles tombées au pied de l'arbre et cassa quelques petites branches, puis, avec un briquet, alluma bien vite le feu. En fouillant les alentours, il découvrit quelques brins d'herbe qui, une fois ajoutés aux flammes, dégagèrent une épaisse fumée. Cela fait, Subotai ramassa le vautour mort et, s'asseyant, se mit en devoir de le plumer.
  - Par Crom, que fais-tu là? marmonna Conan.
  - J'enlève les plumes, répondit le petit voleur.
  - Tu ne vas quand même pas faire cuire cette chose!
  - Pourquoi pas! De la viande, c'est de la viande. Et nous sommes tous deux affamés.
  - Si je dois manger, il te faudra me nourrir, grogna Conan, réprimant son envie de vomir. Mes mains sont hors d'usage.
  Subotai acquiesça et se pencha sur son petit feu. Bientôt, des morceaux de vautour empalés sur un bâton effilé rôtissaient joyeusement, leur graisse tombant goutte à goutte dans le feu, et la délicieuse odeur de cuisine emplit l'air.   Après ce repas maigre mais bienvenu, Conan soupira. Puis, le dos appuyé contre l'Arbre du Malheur, il s'endormit.


 

ConanCompletist 2005